Texte sur Tristan Deplus par Mathilde Chénin, 2024
Le Réseau documents d’artistes a proposé à Mathilde Chénin de prolonger sa réflexion sur des pratiques et des formes artistiques qu’elle désigne comme relevant d’un art en usage — autrement nommées pratiques habitantes de l’art — au sein de sa thèse de doctorat, soutenue en 2022 à la croisée de sa pratique artistique et collective, et de sa position d’apprentie sociologue. Pour cette publication, elle a fait le choix de faire le récit de trois rencontres qu’elle a sollicitées avec des artistes du Réseau documents d’artistes : Tristan Deplus (Documents d’artistes Bretagne), Emmanuel Louisgrand (Documents d’artistes Auvergne-Rhône-Alpes) et Masahiro Suzuki (Documents d’artistes Provence-Alpes-Côte d’Azur). Trois rencontres comme trois portraits, une plongée dans le parcours respectif de ces artistes, afin de tisser de manière sensible, de proche en proche, un regard sur les formes auxquelles ils donnent lieu et les lieux auxquels ils donnent forme.
L'Atelier A - François Feutrie
François Feutrie a bénéficié d’un portait filmé dans le cadre du partenariat entre l’ADAGP et ARTE. Le film est disponible sur la chaîneYoutube de l’ADAGP et sur le site d’ARTE.
Horya Makhlouf, Critique d'art, autrice, historienne de l'art
Envisager l’espace de l’art comme un interstice entre des mondes, une faille depuis laquelle observer, emprunter, ôter, suspendre, et digérer, en les détournant, les symboles et les signifiants du monde usuel. L’art comme grand détournement. C’est faire dire aux objets des choses qu’ils n’ont pas prononcées, sans respecter les mouvements de leur bouche, en réécrivant les répliques à la place du scénariste. L’art comme grand détournement. C’est jouer avec les codes et les normes des langages ordinaires pour mieux les subvertir. C’est utiliser le rire, le littéral, l’étonnement, le loufoque, le bizarre ou le paranormal, comme outils d’émancipation, pour créer de nouvelles associations capables de déjouer une […]
Envisager l’espace de l’art comme un interstice entre des mondes, une faille depuis laquelle observer, emprunter, ôter, suspendre, et digérer, en les détournant, les symboles et les signifiants du monde usuel.
L’art comme grand détournement. C’est faire dire aux objets des choses qu’ils n’ont pas prononcées, sans respecter les mouvements de leur bouche, en réécrivant les répliques à la place du scénariste.
L’art comme grand détournement. C’est jouer avec les codes et les normes des langages ordinaires pour mieux les subvertir. C’est utiliser le rire, le littéral, l’étonnement, le loufoque, le bizarre ou le paranormal, comme outils d’émancipation, pour créer de nouvelles associations capables de déjouer une certaine forme de passivité face aux images – quelles qu’elles soient.
Par les subterfuges qu’elles mettent en place, les œuvres réunies dans ce parcours apparaissent comme des stratégies de résistance à la normalisation des codes et des regards. Elles offrent un espace de renversement temporaire des systèmes de valeurs et de hiérarchies usuels, revêtant une dimension carnavalesque toute bakhtinienne , qui permet d’inverser et de court-circuiter le système de références habituel. Elles sont des stratégies pour déployer l’imagination, et des armes pour l’étendre au-delà du pur champ de l’art.
L’art comme grand détournement, c’est un miroir, apparemment gratuit mais à la perspective en vérité infinie, à partir duquel réfléchir nos mondes pour mieux les habiter.