Sans au delà-sans en deçà là. Sans de-ci de-là là. Sans en deçà. Sans de-ci de-là là,
Sans au delà-sans en deçà là. Sans de-ci de-là là. Sans en deçà. Sans de-ci de-là là, 2022
Marmoleum, cable acier, plastiline, impressions 70 x 100 cm, céramique, dessin acrylique mur, vidéo vers de terre 1 minute.
Sans au delà
Marmoleum,cable acier, plastiline, pieds en céramique
Co-production Frac Bretagne.
Sans de-ci de-là là
dessin acrylique mur
Co-production Frac Bretagne
Photos : Aurélien Mole
LES LÉZARDS
EXPOSITION DES FINALISTES DU PRIX DU FRAC BRETAGNE – ART NORAC 2022
Sans suivre un axe thématique, l’exposition qui regroupe les 4 artistes nommé.es au Prix du Frac Bretagne-Art Norac tente de mettre en exergue des postures, des tempéraments et des perspectives sur le monde qui mobilisent des régimes d’attention particuliers.
A l’image des lézards qui surgissent soudainement pour disparaître aussitôt, les artistes ici réuni.es s’intéressent à des états transitoires, à des moments de passage d’une perspective à une autre, au corps dans son impermanence et sa fragilité. Certaines œuvres ont une vie éphémère puisqu’elles se développent en relation au lieu d’exposition pour ensuite disparaître ou persister sous une autre forme dans un autre lieu.
Aux lézards, on doit l’origine des expressions “lézarder” et “faire le lézard” qui évoquent des états de stase et de manque de mouvement, souvent connotés négativement comme des moments d’improductivité. Mais l’immobilité du lézard ne se réduit jamais à l’immobilisme ni au simple repos car, immobile sous le soleil, le lézard est toujours en alerte. Pour le philosophe Jérôme Lèbre, auteur de « L’Eloge de l’immobilité », l’immobilité correspond à la décision d’occuper un lieu et de tenir une position. A l’ère de l’accélération, des impératifs de mobilité et de flexibilité, être artiste signifie avant tout faire le choix de s’arrêter, de se tenir dans un lieu non pour une volonté de repli du monde mais au contraire pour ouvrir l’espace des possibles. Par le prisme d’approches plastiques et conceptuelles très différentes, Reda Boussella, Clémence Estève, Fanny Gicquel et Valérian Goalec font appel à l’inaction, la lenteur, le rêve, l’horizontalité aussi bien qu’à la chute et l’échec pour leur potentiel de résistance face à la soif de verticalité, réussite et succès qui domine le temps présent. Cela peut par exemple prendre la forme, dans l’installation de Valérian Goalec, d’un détournement poétique de l’architecture standardisée des lieux de remise des prix, en questionnant subtilement la pertinence de la notion de compétitivité dans le champ artistique. Dans les sculptures de Reda Boussella, des objets d’entraînement des sports de combat peuvent se transformer en des éléments burlesques et la morsure effrayante d’un chien malinois en un tendre valse. Clémence Estève déforme la silhouette des grandes sculptures de l’histoire de l’art, la scoliose étant pour elle une façon d’interroger les injonctions sociales de redressement du corps ainsi qu’un moyen de dévier tout en restant figé, de saisir un mouvement là où le corps paraît immobile. A travers la lenteur et le ralentissement, les performances de Fanny Gicquel invitent à la contemplation jusqu’à créer des images proches du tableau vivant qui questionnent nos actuels modes de relation et de communication.
Les artistes nous suggèrent que la vulnérabilité des corps et de notre environnement donne accès à la possibilité de développer de nouvelles formes de partage, de présence et de soin. Mais aussi d’inventer des nouvelles stratégies d’interaction et des nouveaux regards vis-à-vis de nos corps et leurs métamorphoses au niveau physique, intime et sociale.
Elena Cardin, commissaire de l’exposition