Station Faciale
8 octobre - 28 octobre, 2003
Série de vingt photographies, 20 x 30 cm
(…) A l’Espace arts plastiques de Vénissieux, la double installation de Station faciale s’inspire entre autres des représentations et phénomènes surnaturels que certains spectateurs ont voulu déceler dans la fumée des explosions de l’attentat du 11 septembre 2001 (manifestations diaboliques, ou, au contraire, angéliques). Ces manipulations ou accidents de l’image ne sont pas sans rappeler la “théorie spectrale des corps photographiés” qu’évoque Georges Didi-Huberman et qui affecta autant les écrits que Roland Barthes consacra à la photographie que la pratique photographique du tournant du XXe siècle : Didi-Huberman nous renvoie à Nadar lui-même ou au psychiatre Baraduc qui, très sérieusement, affirmait enregistrer sur la plaque sensible “l’aura d’un cauchemar” ou une “vibration de force vitale”1 . On pourrait encore convoquer le dramaturge et photographe amateur August Strindberg qui, dans la mouvance symboliste de la même époque, photographiait les nuages dans les formes desquels il distinguait une manifestation des esprits. Ce qu’en retiendra Francesco Finizio, c’est effectivement une relation crispée, voire hystérique, à l’informe, à tout prix contrôlé, dans le cas américain, par la projection anthropomorphe. Tout comme ces compatriotes artistes Mike Kelley et Paul McCarthy, et n’hésitant pas, lui aussi, à recourir à la métaphore du stade anal, Finizio y voit également l’expression d’une tendance régressive et infantilisante de nos cultures, cristallisée dans ces réactions aux attentats du 11 septembre.
Dans le deuxième volet de Station Faciale, l’artiste distingue aussi cet anthropomorphisme régressif dans l’évolution des formes de nos objets de consommation courante (voitures, électroménager ou appareils audio-visuels), de plus en plus miniaturisés et réminiscents des jouets d’enfants, voire dotés de ce visage stylisé - yeux, nez et bouche -, “archétype de l’appropriation enfantine de l’autre”. Car cette infantilisation du monde, ce “devenir schtroumpf de l’hémisphère Nord”, pour continuer à paraphraser Jean-Charles Masséra, dénote essentiellement un besoin effréné de contrôle : ainis, “plus de lointain, plus d’étrangeté, plus d’altérité et surtout plus de complexité”2 . A quoi bon, en effet, valoriser la maturité dans une société qui entretient l’illusion de pouvoir prévenir tout besoin - et donc tout échec et toute perte - avant même qu’il ne s’exprime, mais qui, jusque dans ses services, s’avère essentiellement directive ?
Anne Giffon-Selle, 2003 Extrait du communiqué de presse de l’exposition.
- Georges Didi-Huberman : Invention de l’hystérie. Charcot et l’iconographie photographique de la Salpétrière, Macula, 1982, pp. 88-97. ↩
- Jean-Charles Masséra : “Le devenir Schtroumpf de l’hémisphère Nord”, in : Présumés innoncents, l’art contemporain et l’enfance, Bordeaux, capc, Musée d’art contemporain, 2000, pp. 65-72. ↩