Gabrielle
Manglou

MÀJ . 30.10.2024

SOL

En cours
Recherches réalisées lors de la résidence à La Maison Composer, Sainte-en-Puisaye

La Maison Composerest un lieu-dit de recherche et création qui œuvre à valoriser toutes les pratiques visant à repenser en profondeur nos manières de considérer le vivant. Implantée au cœur de la Puisaye, en Bourgogne, elle accompagne et produit des projets culturels qui mobilisent la création artistique, la recherche citoyenne et scientifique. J’y suis invitée pour une résidence d’une trentaine de jours à repartir.

Avril-Mai

Je découvre ce territoire planté là où pourrait se loger le cœur même de la France, légèrement à gauche entre deux bras de terre, l’éloignant de tout horizon océanique. Cette terre riche, agricole prend la forme de cultures, de pâturages, de pots, de bols… On la porte à la bouche, chargée des gestes paysans et du labeur des chevaux de trait, recouvert de tournesols, trempée par l’eau sombre d’un lac ou celle plus claire de rivières si longues qu’on n’en voit plus le bout. Au milieu des sols quadrillés à perte de vue, je rencontre Judith Lasry, son rapport gourmand à la céramique, aux émaux et au feu. Je choisis de travailler dans son atelier pour la prochaine session de résidence.

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Photos : Chez Nico & Mireille, agriculteurs / Croquis carnet / Détail, Pigeonnier du Château de Ratilly / Extrait édition, Les Grès de Ratilly / Etagère Château de Ratilly / Echantillons d’émaux dans l’atelier de Judith Lasry

Août-Septembre

Terre ! Terre ! Terre !
Matière sous les doigts, devant les yeux, sous les pieds, sur la bouche, dans les mains.
Je cherche autour du pli, de la structure à partir du mou, du geste inexpérimenté, du geste premier, du socle, de l’autel… de l’accueil, de l’écrin, de ce qui porte, ce qui tient.

Je me balance entre ce territoire paysan imposant et celui où j’ai grandi, où la terre est une plantation avant d’être un champ avec tout ce que cela comporte de faits, traits historiques, rapports à la propriété et conditions de vie.
Les émaux que fabrique Judith sont fait de cendres de vigne souvent. Je vais tenter les émaux à partir de cendres de plantes dites exotiques, des plantes de chez-moi : bananier, ananas, piments…

Se mélangent les gestes et objets domestiques, ceux du dedans et ceux du dehors, les gestes de recueillement, l’humilité face à la terre, le découpage des territoires, les intentions enfouies dans le sol travaillé jusqu’à l’usure…

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Photos : Perles crues engobe et carnet 1 & 2 / Chacha / Assiette crue / Détail chez Oliver / Autel & lapin cru / Fleur de tournesol / Dessins en terre / Cheval chez Oliver 

Je regarde des définitions :

Le sol : partie de la croûte terrestre, à l’état naturel ou aménagée, sur laquelle on se tient et se déplace.

Le sol en tant que : croute terrestre / continuité, la terre est ronde / garde-manger / territoire & ses spécificité culturelles et écologiques / propriété / socle…

Le pli : double épaisseur obtenue en rabattant sur elle-même une matière ou articulation.
Le pli en tant que : strates sociales, culturelles / empilement / espace-temps / repli secret / sédimentation…

Le socle : base servant de support à une colonne, à une statue ou à un buste ou assise unie ou moulurée, le plus souvent quadrangulaire sur laquelle repose un édifice.
Le socle en tant que : support / mise en valeur / espace-temps…

L’autel : tertre, table exhaussée sur lesquels on déposait les offrandes à la divinité, on offrait les sacrifices aux dieux ou autels funéraires ou votifs ou symbole de sacrifice.
L’autel en tant qu’objet qui délimite un espace dédié à mettre en avant mais humblement un hommage aux contradictions écologiques qui font se croiser aujourd’hui des périodes historiques associés à des actes ayant transformé de manière irréversible notre écosystème (colonisation depuis Christophe Colomb, capitalisme, industrialisation, gestion des déchets, gestion des espaces, extractivisme…)

Je produis des objets-références : des socles, des récipients, des fromages, une assiette, un citron, un lapin, des perles, des structures…

En fabriquant ces objets, je pense au terme « natureculture » forgé par par Donna Haraway pour répondre au fait que les termes de nature et de culture ne peuvent plus constituer des catégories pertinentes comme ils ne peuvent plus être des termes antagonistes.

J’imagine ces œuvres futures comme des bijoux paysans, des autels d’excuses et de recueillement, des échelles de valeur douce ou des vases à bouquets timides.

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Photos : LOVE, CinéPampa / Structures crues / Graine / Autel, perles et structures en terre crue / Champ de tournesol

un grand MERCI à Ann, Tom et Judith

Photos : Gabrielle Manglou