“Parmi les travaux présentés pour la session de juin 2007 du diplôme de l’ENSP, celui de Laëtitia Donval aborde avec une acuité particulière la façon dont nous habitons notre époque.

Les pages qui suivent ont été composées par la photographe. Elles sont la transcription partielle d’une pièce conçue pour la projection.

S’y mêlent l’écho lointain de documents sur la barbarie nazie, les représentations les plus complaisantes du crime contemporain, promues au rang planétaire sur un simple clic, mais aussi les éclats d’une autobiographie : sorte de journal menacé d’écrasement, comme si, face aux images qui nous hantent, la dernière chance de vie ne pouvait exister que dans une quête d’intensité guettée par le néant.

Gestionnaires galonnés de l’Holocauste, farouches nostalgiques au bras tendu, dictateur à la nuque brisée, tous peuplent une chronique où le corps de la photographe apparaît parmi les protagonistes de son errance et les objets de ses alentours, témoignant de notre difficulté à exister comme sujets dans cette circulation effrénée. L’oeuvre met en scène un univers mental occupé à contrer sa colonisation humiliante par l’empire des images: oui, ces dernières sont nécessaires mais leur totalitarisme nous rabaisse. Et si nous observons et photographions ce qui est autour de nous, c’est aussi, paradoxalement, pour laver cet affront.

“Je ne sais pas si…” : ce membre de phrase indexe le travail sur un doute. Ce n’est pas là le moindre mérite de ce travail exempt de toute vertu vertueuse, en un temps comme le nôtre où persiste, en art, l’illusion tenace d’une capacité des images à établir un sens. (…) Je vois ici, au contraire, un affrontement avec l’implacable discontinuité de la vie et de la défiance qu’il nous faut éprouver pour les “asticots de la signification”, selon une expression de Beckett rappelée à notre attention par une actualité récente.”

Texte d’Arnaud Claas à propos de la projection Du 4 rue de la liberté, 2007, in Inframince n°3, 2007
Revue de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie