Queer Story
La vidéo Queer Story raconte l’histoire de la métamorphose de deux êtres au-delà du genre, de la « race » et de l’espèce, vivant au bout de la mer. Cette Queer Story est née là, en ce bord de mer où en pleine confusion climatique, la mer déshabille la côte, là où le corps se couvre d’une combinaison pour habiter la mer. Quel corps alors pour habiter cette zone fragile et sensible entre terre et mer ? Aujourd’hui le changement climatique nous oblige à penser ensemble les sciences de la nature et les sciences de l’homme, le lointain et le proche, le traditionnel et la modernité, pour après. Elle prend la forme d’une épopée vidéo en deux parties. La première est le récit d’un voyage fictif de la côte Est des États-Unis jusque dans la rade de Brest d’une Crepidula Fornica. Elle a été écrite à partir d’un entretien mené avec Antoine Carlier, scientifique biologiste et écologue, spécialiste de ce gastéropode marin.
PIERRE MARIE PIERRE écrite et interprétée par l’artiste, inspirée de la rencontre avec une ex-fabricante transgenre de combinaison de plongée. Ces deux voix chantent ensemble leur transformation. Cette vidéo a été réalisée à l’occasion du projet de recherche “A bout de mer” à l’école européenne supérieure d’art de Bretagne.
Pierre Marie Pierre
Je plongeais dès 14 ans
Dans l’archipel des Glénan.
On bricolaient nos bouteilles
Pour ramener des merveilles.
Personne ne savait
On ne disait rien. (Yeah)
Chacun a ses secrets
C’était nos objets.
Quand j’étais un garçon.
Je fabriquais des combis
Ah oui s’était une passion.
C’est Pierre qui m’a appris.
Personne ne savait.
Nous ne disions rien. (Yeah)
Chacun a ses secrets.
Nous, on préférait.
Il aimait m’avoir avec lui.
Il m’a donné des gabarits.
Je travaillais comme un fou.
Sans me soucier des sous.
Personne ne savait.
On ne disait rien. (Yeah)
Chacun a ses secrets.
Mais je me souviens.
Tout le monde s’est mis à plonger.
J’ai fait d’la gomme, du jersey.
Mon néoprène je vendais,
Dans les pays navarrais.
Personne ne savait.
Je ne disais rien. (Yeah)
Chacun a ses secrets.
J’ai déposé des brevets.
Gagner d’la souplesse
Grâce aux soufflets d’aisance.
Donner d’la puissance
Aux bras des chasseresses.
Personne ne savait.
Je ne disais rien. (Yeah)
Chacun a ses secrets.
Mais je m’éclatais.
Je me suis fait un nom
Partout dans la profession.
Du latex de confection,
J’envoyais jusqu’à Pigalle.
Personne ne savait.
Je ne disais rien. (Yeah)
Chacun a ses secrets.
Mais je m’aveuglais.
Aujourd’hui j’ai 73 ans.
J’ai transmis à mes enfants.
Je n’ai plus de bonnes artères,
Je suis devenu un faux-frère.
Maintenant plus de secret,
Je suis femme et tu le sais.
Plus besoin d’oxygène,
Je dois être une sirène.
Vue de l'exposition A bout de mer, Passerelle Centre d'art contemporain, Brest, 2020
Photo : Aurélien Mole © Passerelle Centre d'art contemporain