Anaïs
Touchot

22.02.2024

Memento

Eliane Ellbogen, EST-NORD-EST, Saint-Jean-Port-Joli, Québec, octobre 2014.

Le travail d’Anaïs Touchot découle d’un besoin de créer des séries qui mettent l’accent sur le processus, l’ordre et la routine. L’artiste s’intéresse aux objets de consommation. Ce n’est pas tant leur signification esthétique particulière ou leur rôle dans la culture visuelle contemporaine qui la fascine, mais les modèles traditionnels que nous construisons autour des objets de consommation de masse (et en raison de ces derniers). Toutefois, son intérêt pour ces objets dépasse largement le cadre habituel des articles préfabriqués qui composent notre quotidien pour inclure des éléments monumentaux qui peuvent avoir une signification personnelle ou rituelle, comme la maison et, en somme, toute forme d’abri humain. Selon Touchot, quoi que nous fassions pour entretenir les mythes collectifs qui prévalent en cette ère (post-)moderne au sujet des objets auxquels nous accordons une importance personnelle, sociale et spirituelle, nous abandonnons inévitablement ces récits mythiques et délaissons des éléments fondamentaux de notre héritage culturel (populaire) commun. Elle se tourne donc vers une approche continue, répétitive et incessante consistant à construire, détruire et reconstruire. L’effort physique – ses méthodes, ses actions – est essentiel à son travail. C’est ce qui lui donne un sens. Elle rejette toute forme de transformation physique facile et sans douleur. Elle cherche à livrer un combat avec l’œuvre elle-même, car c’est de ce combat qu’émerge le processus créatif. Ainsi, l’inévitable geste de destruction active l’œuvre. Il constitue l’essence d’une action-performance évolutive menant à une transformation. À Est-Nord-Est, Touchot poursuit ses recherches sur le concept de l’abri, mais avec une intention nettement moins épique.

Se rapprochant davantage de l’anecdote que de l’action à caractère social et monumental, son œuvre se déploie sous la forme d’une série d’actes performatifs contenus, rattachés à une expérience illusoire, un lieu imaginé qu’elle cherche à recréer dans la réalité, tout en admettant que l’expérience imaginée demeurera à jamais un moment illusoire retranché de son expérience vécue. L’instinct qui la pousse à symboliser l’abri humain, à reconstituer le refuge social, demeure peut-être là où réside sa pulsion artistique – avec (et à l’intérieur de) nos maisons, grandes et petites; avec leurs histoires, importantes comme insignifiantes.

Eliane Ellbogen
EST-NORD-EST, Saint-Jean-Port-Joli, Québec, octobre 2014.