« Dans un environnement qui est visuellement, physiquement et chimiquement bloqué, ce que les architectes,les designers industriels, les planificateurs etc… pourraient faire de mieux pour l’humanité serait de cesser complètement leur travail. »

Victor Papanek in Introduction de l’ouvrage « Design pour un monde réel » 1963/1971

Les services techniques d’une commune assurent aux habitants, aux élus et au maire en particulier, que les mises en œuvre des aménagements réalisés pour la municipalité le sont dans le respect des normes.
Pour certains aménagements, les élus et ses services techniques font appel à des concepteurs, architectes, paysagistes, à des entreprises qui se doivent d’assurer que leurs projets et réalisations respectent les normes en vigueur. Mais d’autres aménagements notamment le mobilier urbain sont choisis dans des catalogues. Grillages, bordures béton, abris bus, jeux pour enfants sont choisis sur catalogue et sont installés par les services techniques des communes.
De nouveaux objets remplacent des précédents. Comme dans toute logistique, tout mobilier démonté est précieusement gardé, car « on ne sait jamais, cela pourrait toujours servir. ». Ces objets sont propriété de la ville et stockés dans des parcs ou plateformes logistiques. Ce qui justifie leur démontage est soit leur vétusté, un goût qui change, un changement politique, un nouveau projet d’aménagement.

À l’occasion de mon exposition « l’Agence Internationale, Anne, Jean-Philippe, Richard » au Frac Nord Pas de Calais, j’exposai un petit projet d’auto-constructeurs lesquels avaient récupéré de nombreux matériaux provenant des services techniques d’une ville et de façon astucieuse, avaient créé des enclos et habitacles pour la réalisation d’un poulailler rural. Les « objets urbains » y étaient déplacés à la campagne, pour de nouveaux usages et de nouveaux « habitants », de nouvelles normes aussi.

Sur le territoire de Dunkerque, à l’occasion d’une commande de design de mobilier urbain j’ai proposé de mettre en place un protocole de travail associant les habitants de quartiers de logements sociaux tels que ceux de St Pol sur Mer.
Cela a consisté à recenser le mobilier urbain déclassé des services techniques, et identifier et localiser à partir de cartes de certains quartiers, les objets en dysfonctionnement d’usages.

A la suite d’arpentages avec les habitants, j’ai réalisé le catalogue de « MUD », afin de choisir le mobilier qui allait être posé et modifié en fonction de nouveaux usages ou usages non satisfaits, identifiés par les habitants. En collaboration avec les architectes Aman Iwan et des habitants, la réinstallation d’objets du catalogue MUD sont réalisés et testés. Des bastaings neufs en bois Douglas sont utilisés pour transformer, modifier le MUD. C’est l’occasion de créer des ateliers de fabrication et de formation qui initient les volontaires aux enjeux d’interventions pérennes dans l’espace public. Ces réalisations le sont sans dessins préalables, avec seulement la mise en place de protocoles décidés en amont de chaque projet.

C’est un travail commun, sans hiérarchies d’autorité, horizontal où tout le monde peut prendre des décisions et ce à tous les niveaux de réalisation. Artiste et architectes deviennent des opérateurs au service des habitants concepteurs.

*ENRUE ?
Le Collectif ENRUE réunit des habitants des quartiers en renouvellement urbain de l’agglomération de Dunkerque, des constructeurs, des architectes, des éducateurs spécialisés, des médiateurs culturels, des sociologues, des artistes, des étudiants…
Le Collectif En Rue est présent dans l’agglomération dunkerquoise depuis 2017, en particulier sur les quartiers Guynemer/Jean Bart / Cité des Cheminots de la Commune de Saint-Pol-sur-Mer et du quartier Degroote de la Commune de Téteghem - Coudekerque-Village. Avec les compétences de tous, nous proposons de nouvelles manières de se rencontrer, discuter, créer. Le travail de l’artiste Catherine Rannou y croise celui du sociologue Pascal Nicolas-Le strat associé aux architectes/constructeurs Aman Iwan pour y poser les conditions de l’appropriation citoyenne des espaces publics ouverts et clos. L’ensemble de ces actions font recherche.
Qu’est-ce qu’on fabrique ensemble ?
C’est la question qui structure le collectif et qui est partagée avec le plus grand nombre. Les actions d’auto- constructions dans l’espace public produits se définissent comme une « école mutuelle », c’est-à-dire des espaces qui se construisent par la réciprocité : la transmission et la valorisation des connaissances et des savoir-faire de tous.