Des étoiles au monde
Depuis plusieurs décennies, l’œuvre d’Hervé Le Nost s’articule autour de séries issues de procédés plastiques que sont l’assemblage, la sculpture, l’installation, le dessin, la photographie, la vidéo… associés à des techniques diverses telles que le verre et la céramique. Ces procédés, qui interagissent les uns avec les autres, émergent grâce à un archivage régulier de photographies dans lesquelles l’artiste puise pour créer sa propre « fabrique du regard ». Le cheminement du travail se structure par des combinaisons et des rapprochements avec les territoires de l’art et l’idée du chaos nietzschéen : « Il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. »1 Les pièces qui en résultent se situent à l’intersection de sources et de contextes qui les déterminent et en déterminent les variations. L’œuvre englobe la complexité d’un monde qui entre en résonance avec la propre histoire de l’artiste et des formes d’écriture qu’il fait converger vers le champ des arts plastiques. Hervé Le Nost revendique le principe de farfelu, de rapprochements fortuits qui ont cette capacité de réduire les frontières de l’art et de la culture. Son intérêt pour les cultures populaires lui permet non seulement d’échapper aux modèles établis mais également de remettre en jeu et de réinventer des expériences qui placent sa pratique dans un équilibre précaire d’une richesse saisissante. Un univers s’ouvre sur une exploration de matières et de leurs potentialités grâce à des collaborations avec des ateliers tels que le Centre international d’art verrier (CIAV) de Meisenthal en Lorraine, Henriot-Quimper ou l’Institut de la céramique de Jingdezhen en Chine. De même, la musique lui permet de prélever des fragments de monde qui s’offrent à lui dès les années 70 et 80 lors de concert à Rennes. Durant cette période deux rencontres sont déterminantes : celle du critique d’art charismatique Bernard Lamarche-Vadel qui enseigne alors à Quimper, où prend naissance la revue Artistes, et celle de Richard Wentworth rencontré en Angleterre au Leicester Polytechnic School of Art. Avec le premier, qui l’invite à présenter ses sculptures dans l’exposition Ouvrir en beauté (1984), il tisse un lien d’amitié avec un sentiment fort de partage d’idée et d’affinité prolongé par la rencontre de nombreux artistes et critiques. Le deuxième, qui a joué un rôle de premier plan dans la nouvelle sculpture britannique à partir des années 70, lui a montré que des gestes modestes et une approche très libre, issus d’expériences quotidiennes, pouvaient modifier la définition traditionnelle de la sculpture et de la photographie. Pour autant Hervé Le Nost ne se sent pas appartenir à une famille si non à celles qu’il a constituées comme Odetta Family (2015-…), une galerie de portraits en trois dimensions qui reprend la forme des vases Odetta édités durant la période Art déco. Cette série, comme celles qui ponctuent son travail, fait partie d’une œuvre qui porte en elle la force d’un paradoxe par l’aspect unitaire qu’elle revêt malgré une pluralité de matières, de couleurs, de supports, de formes… issues de gestes et de pratiques multiples.
- Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Prologue, § 5, trad. Henri Albert. ↩