La Vie Héroïque de B.S. - Le projet
La Vie Héroïque de B.S. est un opéra vidéo en trois actes. À la fois narratif et critique, il met en scène le parcours d’investigation d’un personnage omniscient appelé B.S. Ce personnage est un designer conscient des enjeux de son époque et qui porte un regard analytique sur les expériences fonctionnalistes du XXe siècle, des avant-gardes modernes aux fondements esthétiques de l’American Way of Life en passant par les utopies Do It Yourself. Ses certitudes héritées de l’esthétique rationnelle et anti-naturelle symptomatiques de la pensée moderne, son assurance et son chronique manque de recul sur ses objets d’étude en font un personnage maladroit et bonimenteur dont l’esprit conquérant confine parfois au pathétique.
La vie héroïque de B.S. Un opéra en 3 actes, 2015
Musée des Beaux arts de Mulhouse
Photo : Hoël Duret
Le premier acte, La Vie Héroïque de B.S. : As a tribute…, joue des formes innovantes du XXe siècle dans une installation tentaculaire présentée au FRAC des Pays de la Loire et qui servira de fond de scène au premier opus de l’opéra. Le personnage fictionnel B.S., passionné et fasciné par ces formes emblématiques, se lance dans la folle entreprise de réussir une synthèse opérante de celles-ci. Comme un Facteur Cheval un peu loufoque au pays du design, B.S. marie tant bien que mal les recettes des Marcel Bauer, Mies van der Rohe, Eileen Gray, des époux Eames ou encore Enzo Mari et saupoudre ses mets des ingrédients typiques du dernier siècle, du plan de travail en Formica, à la chaise longue tubulaire en passant par la caisse de marché en plastique.
Dans l’acte 2, La Vie Héroïque de B.S. : Le dilemme de l’œuf, B.S. reçoit la commande folle de redessiner un œuf de poule de façon à optimiser son conditionnement et son transport. Il se retrouve alors à devoir contredire les lois de la nature en tentant de parfaire une forme idéale. L’enchaînement des scènes, quelque part entre les réclames industrielles d’après-guerre, les magazines télévisuels de vulgarisation scientifique et les Aventures de Tintin, illustre ses multiples tentatives pour parvenir à un impossible résultat.
Mais c’est dans le dernier acte, La Vie Héroïque de B.S. : Les sirènes de Corinthe, produit à la Zoo Galerie, que se dévoile de façon explicite l’enjeu jusqu’ici sous-entendu de ce projet. Ayant définitivement perdu ses certitudes modernes sur l’usage et la provenance des formes, B.S., devenu mystique, s’embarque dans un voyage initiatique en Grèce pour comprendre les conditions d’apparition et de conceptualisation d’une forme manufacturée première : la colonne. Comment dans cette région aride, de pierre et de poussière, a-t-on pu conceptualiser une forme aussi pure ? Errant dans ces paysages désertiques, la folie et le mysticisme le gagnent. Il délaisse définitivement les outils techniques et la rigueur de l’ingénierie de la production industrielle des formes pour désormais travailler seul avec ce qu’il trouve sur place, se lançant alors désespérément dans l’expérience de la sculpture, pensant que ce contexte lui sera propice et que lui apparaîtra la vérité transcendantale et universelle de toute forme.
Travaillant les expositions comme des plateaux de tournage pour ce projet, Hoël Duret déploie d’étranges scénographies qui dans leur facture annoncent déjà la faillite de la pensée moderniste fascinée de son personnage de fiction. Autant de pièces dont le statut devient ambigu, entre design et bricolage, simples éléments de scénographie ou bien pièces en soi, La Vie Héroïque de B.S. Un opéra en trois actes trouble le statut des éléments qui le composent, des pièces aux vidéos extrêmement produites et référencées dans leur production jusqu’au principe même de l’opéra dont on comprend que la simple forme classique devient ici un terrain de jeu.