Hoël Duret
Hoël Duret construit une pensée protéiforme dont l’objet principal est l’acte de création même. Pour cela, il s’inscrit dans le champ de l’absurde, celui de l’artiste idiot, maladroit, dont les visions sont systématiquement mises en échec. Sous la surface burlesque et souvent drôle, il déploie une pensée critique à l’encontre d’un élitisme intellectuel, des esthétiques dominantes et des références sacralisées qui font autorité. Il circule ainsi entre les territoires en convoquant aussi bien le cinéma, le design, la danse, la peinture, la musique ou l’architecture. Sa réflexion plastique et critique se développe en différents « projets tiroirs » au sein desquels la fiction et la narration jouent un rôle central. Chaque projet adopte différentes formes correspondant à différentes étapes de narration donnant lieu à des installations, vidéos, performances, éditions, peintures ou sculptures. Ils sont construits comme des films avec un scénario, des scènes, des personnages identifiés, des décors. L’histoire des arts y est aussi extrêmement présente. Entre hommages et irrévérences, l’artiste distille des clins d’oeil dans chacun de ses objets, décors, gestes ou plans. Entre 2013 et 2015, il s’engage dans La Vie Héroïque de B.S., l’histoire d’un designer confiant à qui l’on confie l’absurde mission de parfaire les propriétés et la forme de l’oeuf de poule. Le projet donne lieu à trois expositions (sculptures, peintures, installations) et à un opéra vidéo composé de trois actes. Hoël Duret y installe une parodie critique de l’esthétique moderniste dont les références sont omniprésentes. De Jacques Tati à la création industrielle, en passant par le design italien des années 1960 et Le Corbusier, il opère à un véritable collage référentiel visant une idéalisation d’un passé glorieuse baigné des grandes utopies. Plus récemment, il présente UC-98 (2016), une nouvelle oeuvre tentaculaire dont le sujet principal est un câble de fibre optique sous-marin à partir duquel des personnages sont activés : deux danseurs, des méduses en plastique et une sirène à la retraite. Ici, l’artiste explore davantage notre rapport à l’information, ses modes de diffusion et son impossible digestion. À travers ses différents projets, Hoël Duret envisage la création et le rôle de l’artiste avec une grande liberté et une vision multiforme qui tend vers un art total dénué de toute autorité.
Extrait du texte de Julie Crenn paru dans ARTPRESS HS #449 - Novembre 2017