Situé sur un îlot, ce refuge est à la fois un « espace d’ observation », un abri de secours.

« La pénurie de ressources nous a conduit à récupérer les caisses de bois de transport des instruments scientifiques et de vivres. Les plans se sont adaptés aux capacités structurelles de ces emballages et à l’ espace minimal utile pour loger deux personnes. Il est un lieu idéal d’ observation des oiseaux et permet aux scientifiques de s’ y installer. Les facultés abrasives de la glace véhiculée par le vent nous ont permis d’ obtenir un aspect mordoré et lisse des planches de bois. Le taux hygrométrique de l’ air en Antarctique est en moyenne plus faible que dans le Sahara, le bois de récupération non traité présente un état de conservation exceptionnel et permet un camouflage efficace. »

Cette station n’est repérée sur aucune carte. Elle est fermée l’hiver et accessible l’été par beau temps, à ski sur la banquise, en barge ou hélicoptère. Elle a été construite petit à petit par les « campagnards d’été ». Elle abrite très peu de scientifiques mais essentiellement des techniciens, avec des formations professionnelles liées à la mécanique agricole, à l’entretien des pistes de ski ou aux métiers du bâtiment.

« Nous l’avons construite sur plusieurs années, au gré des arrivées de conteneurs que nous vidions et qui ne retournaient jamais à leurs propriétaires. Nous commandions des conteneurs « high-top », car plus habitables. Pendant longtemps nous n’avons pas pu photographier la station car elle comportait les marques de leurs anciens propriétaires.
Nous avons eu la liberté de les aménager à notre façon. Nous avons ouvert une grande baie vitrée plein Nord qui permet de chauffer largement le séjour donnant sur la mer h24. Nous avons découpé les conteneurs et fait les doublages et cloisonnements. L’atelier est devenu l’espace convivial. Un touret fait table basse et nous y prenons l’apéro après le boulot. Cette station est conçue comme une maison. »

« Nous trouvions la vie de la base oppressante, sans aucune intimité. Comment se retrouver ailleurs que dans une chambre collective mal isolée, où chaque feuille de livre s’entend d’une chambre à l’autre ? Comment en dehors de la science, s’aimer, se toucher, se donner du plaisir alors que nos corps sont malmenés par ce climat extrême ? »

La station conçue par l’ingénieur Alexandre Bodiansky en 1970, ultra moderne et fonctionnelle, commence à montrer ses limites structurelles mais aussi ses limites idéologiques. Elle fut conçue à une époque où les femmes ne pouvaient hiverner, pour un monde d’hommes aventureux et scientifiques. Depuis 2000, la parité s’installe doucement, les femmes hivernent aussi et l’intimité ne revêt plus le même sens.

« La petite base historique située à plusieurs centaines de mètres de la station principale est classée Monument Historique. Nous l’avons restaurée avec l’aide des hivernants et repeinte avec les restes de peinture rouge, code couleur de cette station. Les résistances différentes de ces revêtements aux gels et à la force abrasive des vents catabatiques ont permis de créer des motifs. D’autre part l’extension de cette construction a été réalisée à partir des « ressources locales » que sont les caisses de bois qui protègent le matériel scientifique et les denrées fragiles transportées depuis la France. »

Cet abri est devenu un lieu de détente et de plaisirs après avoir un été une base de secours suite à l’incendie de la première base française en Antarctique, il y a plus de soixante ans.

Un seul conteneur était prévu pour l’installation du programme scientifique travaillant sur l’observation du fond diffus cosmologique et l’origine du Big Bang. L’espace étant trop restreint et inadapté aux dispositifs instrumentaux, les scientifiques ne pouvaient pas y travailler. En revanche il est chauffé et alimenté en électricité et fibre optique.

« Nous avons collecté les déchets des emballages et supports ayant servi au transport et montage des instruments et avons trouvé une quantité importante de ressources : cordages d’alpinistes, tuyaux de plombier, caisses de vin, tôles d’aluminium, bâches plastiques, tendeurs, chutes de contre-plaqué.Ce sont ces trouvailles qui ont organisé le plan et la modification du conteneur. » Le programme a pu être mis en place dans l’urgence et abrite un instrument de mesure : le bolomètre .