Jours blêmes à la ferme
uvres de la série Jours blêmes à la ferme
Les titres
Lecture d’un texte par l’artiste, durée 1min32, prise de son Joachim Monvoisin
Fontaine pur beurre
Requiem : il y a du boudin dans l’air
Ils sont des nôtres
Photo : Mickael Kern
JOURS BLEMES A LA FERME
Regardez la vache, sa folle période a empoisonné le steak.
Depuis, elle promène une plaie mal fermée dans le pré.
A peine la vache se calme, le canard prend le relais.
Ces dévoreurs d’espaces menacent de devenir dévoreurs d’espèces.
La basse-cour nous donne la chair de poule.
Des grippes de tous poils nous agrippent.
Le porc sue.
Je suis un éleveur de porc, je l’ai dans le collimateur.
Le cochon
Contrairement à la chèvre toujours sur le départ pour suivre les populations nomades, l’homme domestique le porc quand il se sédentarise. Avec son poids, sa démarche sur le bout des doigts,
il préfère la sieste au marathon.
Comme l’on sait, dans le cochon tout est bon. L’homme et le porc présentent des similitudes biologiques, son cœur intéresse les cardiaques, sa peau habille à l’occasion les grands brûlés. Il entre dans la composition de nombreux médicaments, une façon de compenser les méfaits de la charcuterie.
Il se distingue même dans le registre artistique, son cuir et ses tendons deviennent des cordes d’instruments de musique ; ses soies, des brosses et des pinceaux. Malgré son nom facilement associé aux insultes, sale porc, manger comme un porc, être un vieux cochon ou vivre dans une porcherie,
on fait appel à lui pour déterrer le caviar du terroir. C’est un spécialiste de la truffe à la truffe ultra fine.
Tous ces dons ne suffisent pas, on l’accable des pires défauts de l’humanité : gloutonnerie, paresse, entêtement.
Sur l’autel de la consommation, il engraisse jusqu’à l’explosion du marché.
Après avoir été la coqueluche de la ferme, ce symbole de la réussite transformé en tirelire hante désormais les plages, accusé d’algues vertes.
Ses chapelets de saucisses l’étranglent.