Eva
Taulois

25.04.2024

The Fun Nevers Sets

Solenn Morel, 2017

The Fun Never Sets, par son jeu de mots - littéralement le plaisir (« fun » en allusion au soleil « sun ») ne se couche jamais - annonce la couleur : l’exposition d’Eva Taulois sera solaire. Un hymne à la lumière, et à la fête. Ça sonne un peu comme un titre des Zombies ou des Mamas and the Papas, une mélodie à la fois extrêmement joyeuse avec pourtant des accents mélancoliques, parce que cette ode au ravissement et au soleil est aussi l’expression de notre peur profonde de l’obscurité. Pour justement promettre la lumière tout au long de la nuit, Roxy, célèbre animateur radio des années 30, imagine la salle de spectacle Radio City Music Hall située dans le Rockefeller Center à New York, et sa scène large de 44 mètres sous la forme d’un coucher de soleil. Quel meilleur slogan pour susciter l’engouement des noctambules que : In Radio City Music Hall, The Fun Never Sets ! Il est d’ailleurs rapporté qu’une visite dans ce lieu mythique vaudrait un mois à la campagne.

Alors que Roxy était accompagné de sa troupe de danseuses, les Rockettes, célèbres pour leur jeu de jambes, Eva Taulois met en scène des corps sans identité ou plutôt des doublures, comme on les nomme dans le cinéma. Silhouettes sans visages, dont on devine ça et là, la courbure d’une hanche, la flexion d’un bras, le galbe d’une cuisse, reprennent et jouent des attitudes acrobatiques ou des postures impudiques. Posées sur des socles mobiles, ces sculptures sont le plus souvent peintes avec des couleurs vives à même leur surface ou directement sur du tissu dont elles sont recouvertes. Le maquillage comme meilleur allié à l’illusion. Parce qu’il faut probablement croire à la fiction, à l’art pour s’accommoder du réel.

S’attacher à la surface des choses, c’est aussi faire image. Il est bien évidemment question de peinture dans cette exposition athlétique. Les corps ici à l’oeuvre sont sculpturaux mais chacune de leurs courbes ne semblent être dessinées que pour servir une peau magnifiée. à l’image de ces bodybuilders qui font briller le plus superbement la surface unifiée de leur musculature extraordinaire. Les couleurs qu’Eva Taulois utilise en aplats sont éclatantes, un rose framboise, un marine velours, un jaune moutarde, un vert sapin, et les différentes textures, de soyeux à râpeux, qu’elle enduit, confèrent à ces masses rutilantes de véritables qualités picturales. En recouvrant ainsi ces figures, elle leur retire tout signe distinctif, les plongeant dans une abstraction vivifiante.

Ces sculptures, membres interchangeables d’un ballet silencieux évoluent devant un important bas-relief composé de mousse et de tissu peint. Ce dispositif n’est pas sans rappeler les protections installées à même les murs dans certaines salles de sport, dernier rempart d’un espace défini par et pour des gestes coordonnés. The Fun Never Sets, par son climat empli de chaleur et de légèreté, rappelle l’émotion, parfois l’excitation que peut procurer le décor. Ce fond devant lequel on repense nos distances aux autres et à l’espace. Là où on se rassemble, on danse, on joue. Là où on cherche à éprouver le monde plus intensément.

Solenn Morel.