Gabrielle
Manglou

UP . 30.10.2024

H.O.C. Hypothèse de l'Objet en Creux

Double expositions individuelles, 2018
Simili, Cité des Arts, Saint-Denis, La Réunion
Placebo, Archives Départementales de La Réunion, Saint-Denis

Résidence “Patrimoine et création” Département de La Réunion, avec le soutien de L’iconothèque historique de l’Océan Indien

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Vues de l'exposition Simili à la Cité des Arts, Saint-Denis, La Réunion
Photo : Jacques Kuyten

La déperdition, 2018
Ecorces, acrylique et brocs en plastique
Photo : Jacques Kuyten

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Vues de l'exposition Placebo aux Archives Départementales de la Réunion, Saint-Denis
Photo : Jacques Kuyten

© Adagp, Paris

La Fonte Des Glaces, 2018
Photographies en noir et blanc et glace à l'eau

Fond Paul et Laurence Vergès
Photo Françoise Vergès et Idriss Issop Banian

Fantôme, 2018
Photographies d'archive retouchées et impressions sur papier de soie

INTUITION, INVENTION ET MÉDIUM

C’est à partir d‘une intuition, celle de l’absence d’objets qui matérialisent l’histoire de La Réunion que Gabrielle Manglou a développé une recherche dans le cadre de résidences croisées à la Cité des Arts et aux Archives départementales de La Réunion.

Ce projet artistique intitulé « Hypothèse de l’objet en creux » lui a permis de faire aboutir des propositions plastiques qui s’appuient sur des objets et documents historiques mais aussi sur les pratiques et savoirs transmis au sein la société créole réunionnaise. Avec une manière singulière d’entremêler formes et couleurs, unies par des liens ouverts, en une sorte de méta-conversation, Gabrielle Manglou produit une œuvre poétique, protéiforme, souvent ludique qui de manière saisissante et éruptive questionne une origine métisse, porteuse d’imaginaires retransmis au fil du temps.

C’est à l‘invention d’une histoire, celle d’une l’île en creux, qu’elle va s‘attacher. En se nourrissant des apports des cultures européennes, asiatiques et africaines propres à l’île, en créant des espaces imaginaires dans lesquels s’engouffrent tous les fantasmes constitutifs d‘une identité projetée, elle s’empare des outils et méthodes du chercheur pour retranscrire une lecture de la société actuelle.

La figure de l’artiste-chercheur est apparue depuis une vingtaine d‘année faisant émerger un type de production artistique qui assume cette dichotomie entre savoir et savoir-faire entre savoirs intellectuels et savoirs pratiques et met en avant la capacité à obtenir une connaissance de la réalité de façon sensible et de manière analogue à la raison. Il existe un caractère distinctif du savoir artistique avec une manière particulière de s’articuler et de se transmettre. C’est ce que Merleau-Ponty a abordé à travers la notion de savoir incorporé. La question de ces pratiques qui s’appuient sur un contenu scientifique amène celle plus large des conditions de l’émergence et de la production du savoir en soi. C’est aussi ce à quoi fait référence Michel Foucault avec ce qu’il nomme « l’épistémè de notre époque », c’est-à- dire les conditions de possibilité des connaissances et notre rapport au monde, aux autres et aux choses. L’homme de la modernité, dit Foucault, est celui qui pense et celui qui est capable d’avoir un rapport de pensée à l’inconscient, à tout ce qui échappe au langage et donc à l’ordre.

De la même façon, c’est en parlant de processus créatif ou d’acte créateur que Marcel Duchamp insiste sur le rôle de médium de l’artiste. La question pour lui ne se pose plus uniquement du point de vue de la forme mais dans la chaîne de réactions qui constitue le processus créatif. Duchamp souligne l’importance de tout ce qui échappe au calcul, à la maîtrise, à la connaissance de l’artiste. Il déplace la question au-delà de la matérialité de l’œuvre, pour s’intéresser au processus de décision tout en incluant l’importance de la réception du spectateur. C’est cette approche que privilégie Gabrielle Manglou dans son travail. Sa démarche la situe au cœur de questionnements qui touchent aux relations entre le faire et l’idée, entre la maîtrise et la non-maîtrise. Elle n’hésite pas à laisser la place à des expérimentations hasardeuses pour mieux faire appréhender toute la poésie de l’inachevé et de l’absence.

Nathalie Gonthier, 2018

© Adagp, Paris