Soulever les montagnes et les montrer du doigt
Vues de l'exposition Soulever les montagnes et les montrer du doigt au Musée Léon Dierx, Saint-Denis, La Réunion, 2012
Photo : Musée Léon Dierx
Les Augures, 2012
Lithographie, 120 x 160 cm
Collection du Musée Léon Dierx
Calques colorés sur lithographies et gravures de Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent, Gérard Milbert, Louis Antoine Roussin et Charles Merme
Collection du Musée Léon Dierx
Le fil
Encre sur papier Arches, 60 x 45 cm
Le chant du dessous
Encre sur papier Arches, 60 x 45 cm
© Adagp, Paris
L’horizon de l’océan et la crête des montagnes, lignes pures, somptueuses qui dessinent l’environnement insulaire, sont à l’origine de la proposition artistique de Gabrielle Manglou dans le cabinet d’arts graphiques et d’estampes du musée Léon-Dierx. L’artiste a capté ces lignes en aplat dans « Les Augures », une grande lithographie réalisée lors d’une résidence à l’Ecole des beaux-arts de Rouen.
Elle invite à la contemplation, attitude à l’origine même du geste créatif. Dessiner est une pulsion poétique, une sève qui ne se contient pas – retranscrire les émotions fulgurantes et l’éphémère. Le trait est un emprunt, une empreinte, un hommage aux sensations vitales.
La démarche de l’artiste se situe en partie dans l’interférence, dans un dialogue ludique avec tout ce qui l’entoure. Sa proposition au musée en est le fruit, mûri en sélectionnant patiemment lithographies ou dessins conservés dans les réserves.
Les lithographies ou gravures de Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent, Gérard Milbert, Louis Antoine Roussin et Charles Merme, quatre artistes du XIXe siècle, ont été retenues. Par le découpage et l’assemblage de calques colorés superposés sur les estampes anciennes, son intervention révèle un autre sens sans dénaturer cependant l’œuvre initiale plus que centenaire.
Son travail de superposition reflète ce besoin de se confronter au passé avec une profonde marque de respect. Gabrielle s’imprègne, mélange avec harmonie, tisse et s’enracine. Sa démarche artistique reflète une pensée en rhizome. Ses œuvres se déploient dans l’espace du cabinet des arts graphiques et d’estampes du musée, comme des racines végétales s’accrochant à un mur, comme le cheminement d’une pensée divagante. Les estampes du musée, les dessins et la lithographie de Gabrielle, les interventions sur les murs se font écho, résonance qui se répercute sur les parois des montagnes.
Gabrielle Manglou a accordé son art aux œuvres de ses aînés. Elle a ajusté ses calques et papiers de couleurs, délicatement posés sur les lithographies anciennes, comme on règle les cordes d’un violon ou celles d’un piano pour que la mélodie soit parfaite. Elle nous convie à un concert : gravures, lithographies et dessins exposés dialoguent comme le font des instruments de musique.
Bernard Leveneur, 2012